★ In a few words
Premier jour de cours. Je suis seule, comme à mon habitude. Et en retard. J'aperçois une place de libre, à côté d'une fausse blonde aux ongles multicolores. Je m'y assois, la mine renfrognée, espérant que cela seul suffise à la tenir à l'écart. Salut ! Tentative totalement ratée, vu le ton enjoué de la demoiselle. Sa voix est trop aiguë, son sourire est trop grand. Salut... Moi c'est Lisbeth, et toi ? Mia. Ah, comme dans The Princess Diaries ?! Exact... On l'a sorti tellement de fois celle-là, que c'est la phrase qui m'insupporte le plus. C'était mes livres préférés quand j'étais petite ! Cool. J'ai 19 ans ! Et toi ? Pareil. Oh, trop cool !!! On dirait qu'elle est complètement défoncée. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Malheureusement, pour elle. Et t'as un copain ? La question qui tue. Non, je préfère les filles en fait. Affirmation à moitié fausse mais qui a le don de repousser, en temps normal, les hétérosexuelles – qui ont trop peur que je leur saute dessus. Cooooool, j'ai toujours rêvé de coucher avec une fille ! Gloups. 'Faut croire que je suis tombée sur un cas, là. Je me sens obligée de lui servir un sourire hésitant et de soupirer un Ah... pas vraiment convaincant. Je la regarde un peu plus en détails. Elle est pas si mal que ça, la demoiselle. Juste un peu tarée. Et t'as choisi quoi comme options ?! Dessin et photo. Oh trop bien, on sera ensemble tout le temps !! Ah ? Ben. Euh. Cool, hein. Je crois que j'ai trouvé ma nouvelle meilleure amie. Dépitée, je sors mon portable de mon sac et tape un message, à une vitesse déconcertante. Liam, cap ou pas cap de tout quitter pour venir me retrouver ? xxx Je range mon téléphone, enfoui ma main dans la poche de ma veste et caresse le métal froid d'un magnifique zippo en argent. Finalement, l'année sera peut-être bonne.
★ A Day in the Life
« Mais il y a un jeu auquel il ne faut jamais jouer, je dis bien jamais, même si c’est votre meilleur ami qui vous le propose ! C’est de se faire ensevelir dans un bloc de béton. »
On pourrait résumer ma vie à ce zippo. A Liam. A notre relation. Je me souviens de la première fois où j'ai vu ce briquet. Je savais qu'il avait de la valeur. Il brillait sous le soleil, comme un petit trésor. Seulement, je ne savais pas encore à quel point. Liam était près de moi. Nous rentrions chez nous, après une banale journée d'école. Nous devions avoir huit ans, peut-être dix. Je me suis précipitée vers l'objet, encore non identifié. Je l'ai saisi entre mes mains, fascinée. Liam s'est agenouillé à mes côtés. Il observait l'objet avec convoitise et au moment où ses doigts se sont approchés de mon trésor, j'ai refermé la main, d'un mouvement brusque. Toute joyeuse, j'ai repris ma marche. Tu me le prêtes ? Non. C'est à moi ! Mon papa a presque le même. Quand il l'ouvre, ça fait du feu ! Je m'arrêtais, stupide. Du feu ? Comment ça, du feu ? Je tremblais un peu, me demandant si mon objet aussi enfermait du feu. Je n'osais ni le lâcher, ni l'ouvrir. Liam, lui, en vrai gosse aventureux et courageux mourrait d'envie d'essayer. Du feu ? Mais... C'est magique... Dangereux... Du feu... Je ne voulais pas que Liam ne me le prenne. Mais je voulais voir. Si tu le veux, alors... Je réfléchissais à un défi débile, un défi d'enfant. Mes sourcils se fronçaient en une moue sérieuse. Alors... Sadique avant l'âge, j'hésitais et lui me dévorait des yeux, prêt à recevoir son défi. Déchire ton pantalon ! Je suis fière de mon idée. En plus, il a mis son beau pantalon. Le noir. Celui auquel il doit faire attention, aux dires de son père. Il me sourit. De mon cartable, je sortis une paire de ciseaux et m'attaqua au beau pantalon. Je savais que chez lui, son père allait crier. Une fois mon travail terminé, Liam tendit la main, un sourire fier sur les lèvres. Non. Roule-toi dans la flaque d'eau, là. L'enfant s'exécuta, en riant. Là, c'est sa mère qui allait crier. Sa chemise blanche sera irrattrapable. J'étais plutôt fière de moi, je crois. Je lui ordonnais de s'essuyer les mains sur sa chemise, avant de lui donner mon trésor. Il l'ouvrit, doucement, avec une immense précaution. Rien. Absolument rien. Ensemble, nous avons poussé un soupir de soulagement. Tu vois, tu racontes n'importe quoi, idiot ! Voulant me prouver mon tort, l'égo sûrement blessé par ma remarque, Liam ouvrit l'objet plus rapidement, d'un mouvement plus sec, imitant sûrement le mouvement de son père. Là, une haute flamme jaillit. Dans un sursaut, Liam jeta le zippo à terre. Nos deux cœurs battaient la chamade, de peur et d'excitation. Et puis, quand nos regards ébahis se sont croisés, pour prouver notre courage, pour montrer que nous n'étions pas des trouillards, nous avons ri. Liam a ramassé l'objet, à terre et m'a lancé un regard de défi. Nous avions trouvé notre trésor. Le jeu avait déjà commencé, presque malgré nous.
« Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c’est pas leurs différences, c’est leur connerie.. »
C'est aussi à eux que je dois mes premières expériences. C'était un soir d'été, à Hossegor. Liam m'a toujours emmené partout avec lui, m'offrant les vacances de rêve dont mes parents n'auraient même pas su rêver. Je ne suis pas née une cuillère en or dans la bouche, loin de là, et sans Liam, je n'aurais jamais vu la mer ou le soleil de France. Ma famille a toujours été dans le besoin, je sais donc ce que signifie se battre pour obtenir ce que l'on souhaite. C'était l'été de mes seize ans. Nous étions avec des amis, autour d'un grand feu. Les cannettes de bière et les joints tournaient, amenant de doux sourires sur nos lèvres adolescentes. C'était l'un de ces moments simples où le bonheur est à portée de main, où les étoiles semblent être nos seules limites. Avec les années, les défis changent. Ils évoluent. Deviennent plus pervers, plus vicieux, moins gentils. Ce soir là, j'en avais un. Coucher avec la fille que Liam me désignait gentiment du doigt. Une jolie brune. Ses yeux pétillaient. Son sourire éclairait son visage. Pendant quelques secondes, je fus incapable de la quitter des yeux. Et puis, j'ai secoué la tête, comme une idiote. J'étais incapable de m'approcher de cette fille. Alors, la séduire. Et... Je saisissais la cannette que Liam me tendait pour en avaler une longue gorgée. Elle était bien trop belle pour moi. Pour la première fois, je me rendais compte qu'une fille pouvait être autre chose qu'une rivale. Elle pouvait être attirante. Celle-ci l'était. Liam avait bien choisi, tiens. Je me suis rapprochée d'elle, simplement. Son charme avait quelque chose d'hypnotisant. Ce qu'elle dégageait était fort. Différant. J'en ai tout oublié. Jusqu'à ce jeu. Jusqu'au but de mon approche. Oui, nos lèvres se sont effleurées, plus d'une fois. Sa bouche avait un goût à la fois sucré et épicé. Un peu acidulé, aussi. Mon cœur battait plus vite que d'habitude. Mes doigts tremblaient. Sûrement à cause de l'alcool, de la drogue, dans mon sang. C'est souvent l'excuse que l'on se donne, dans ces moments là. Je me sentais bien, si près d'elle. Et si les autres riaient, je n'en avais rien à faire. Je ne les écoutais pas. Je buvais ses paroles et aspirais la fumée qui se faufilait souvent d'entre ses lèvres. Nous avons même fini par nous écarter du groupe. Sous la seule lumière de la Lune, elle a été ma première fois. Ma toute première fois. Je n'ai jamais regretté cette soirée. Elle, si, je crois. Parce qu'elle est hétéro. Parce que je n'ai été qu'une vulgaire erreur. Parce que les filles, c'est pas son truc, et que je ne suis qu'une lesbienne de merde. Pour ma part, elle m'a ouvert les yeux. J'aime les filles. J'ai toujours aimé les filles. Je n'aime que les filles.
« Il y a plein de choses dans notre tête. (...) Il y a de la musique et des écrivains. Des chemins, des mains, des tanières. Des bouts d'étoiles filantes recopiés sur des reçus de carte bleue, des pages arrachées, des souvenirs heureux et des souvenirs affreux. Des chansons, des refrains sur le bout de nos langues. Des messages archivés, des livres massues, des oursons à la guimauve et des disques rayés. Notre enfance, nos solitudes, nos premiers émois et nos projets d'avenir. »